Le Blondin

Le Blondin

         Quand j’étais petit, avant 1950, mon papa dirigeait l’atelier mécanique à la construction du barrage de Castillon. Un barrage mur voute en béton d’une hauteur vertigineuse. Les jeudis, j’aimais me glisser dans l’atelier. Il y régnait une odeur d’huile et de forge, le marteau-pilon écrasait le fer rouge avec une force impressionnante et un bruit d’enfer. Les perceuses, les fraiseuses et le tour fabriquaient des copeaux métalliques brillants d’une forme toujours changeante ; un vrai danger de coupure pour les doigts. Les ouvriers et mon père n’aimaient pas me voir tourner là-dedans. Aussi bien, j’étais prié d’aller voir ailleurs !

Si dans l’atelier qui risquait brulures, coupures, accidents de toute sorte, dehors il y avait d’énormes engins qui circulaient dans tous les sens, des « bulldozers », des grues, des machines dont je ne savais même pas à quoi ça pouvait servir, en tout cas, c’était gros, bruyant, ça fumait noir et ça sentait l’huile brulée et le pétrole. J’aurais tellement aimé conduire une de ces machines ! Mais à dix ans, on ne peut que rêver.

         Rêver, il y a une chose qui dépassait tout. Au-dessus du vide à bien cent mètres de haut, circulaient sur des câbles, des chariots qui déposaient le béton dans la structure ferraillée  du barrage. Ce balai incessant sur les câbles me fascinait. Parfois, un ouvrier se rendait sur un chariot en panne ou à graisser, les pieds sur le câble inférieur, les mains sur le câble supérieur. On appelle ça un blondin, sans doute à cause de Charles Blondin un funambule extraordinaire.

         J’en ai gardé toute ma vie le souvenir et bien sûr, il a fallu que j’en fabrique un pour que je puisse être dessus. Comme je n’ai pas de falaises à ma disposition, je me suis contenté de deux arbres à 8 mètres de haut, il manque 90 m !

         Pour les spectateurs de la Trace, il vaut mieux ne pas être trop loin du sujet à regarder. Alors j’espère que la beauté, la douceur  et la surprise seront là pour vous plaire.

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