La Trace, une histoire de vie

La Trace, une histoire de vie

Chapitre premier

Nous étions installés Gérard et moi autour de la table ronde à « Asclar », dans la ferme de haute Ardèche. Une tasse de café chacun, Gérard me posait la question sur mes envies de vie. En fait, nous étions en train de nous découvrir, cela faisait dix jours que nous nous étions rencontrés.

Peu avant notre rencontre, je revenais d’une virée en montagne. Avec mes potes, nous partions régulièrement faire des randonnées à ski et peau de phoque et cette fois-ci je revenais des montagnes autrichiennes. Alors tout naturellement, mes envies de vie étaient là, de continuer à faire des balades en montagne, de découvrir les paysages du monde. Je n’avais pas encore d’enfant et je voulais profiter de ces moments disponibles pour visiter le monde.

Je travaillais à Saint-Etienne. Et pendant mes vacances, je pouvais me promener.

Gérard lui, ne voulait pas rester dans cette ferme, trop froide, trop inconfortable, trop enclavée et trop de difficultés à gérer. Par contre, il désirait vivre avec ses chevaux, dix sept chevaux … Pendant la période estivale, il organisait des randonnées à cheval, accueillant des jeunes en colonie de vacances, des particuliers en quête d’aventure dans les grands froids des monts ardéchois … Il gagnait ses sous. L’hiver, les chevaux tranquilles au pré et lui dans ses affaires.

Et il m’a proposé de partir en voyage, non avec un sac à dos, mais avec notre maison derrière nous … « Tu comprends me dit-il, je voudrais voir grandir mes enfants, et avec un sac à dos, c’est pas pratique. Les chevaux tracteraient les roulottes, nous pourrions gagner des sous en présentant des spectacles. Justement, j’y pense depuis longtemps, et j’ai commencé à fabriquer des marionnettes. »

J’étais abasourdie ! Moi, Solange, issue d’une famille dont le père est industriel, connu dans sa ville, ayant passé une partie de ma jeunesse dans un pensionnat de bonnes sœurs, ayant vécu dans une grande maison profitant du personnel au service de mes parents, fréquentant un rallye de danses pour rencontrer des jeunes gens de bon milieu social, bref, « une jeune fille de bonne famille », j’allais me retrouver dans une roulotte, assimilée aux gens du voyage, avec des chevaux, les grands enfants de mon gars plus ceux à venir … Ho la la, tout à coup, je me retrouvais devant un dilemme : j’étais raide dingue de cet homme et il me proposait de partir en roulotte, monter un chapiteau, présenter un spectacle de marionnettes, éduquer nos enfants …

Je me souviens de ce qui s’est passé physiquement à l’intérieur de mon corps. Pouvez-vous vous imaginer en train de sauter dans le vide, attaché à un élastique ? Et bien, c’est précisément ce que j’ai ressenti, le saut dans le vide, le cœur qui remonte dans la tête, le sang qui se fige et le grand tourbillon.

Mais, voilà, j’étais amoureuse …

J’ai dit : oui.

Gérard et moi, nous nous sommes levés de table, sans un mot, et main dans la main, nous sommes sortis dehors. Il a bien compris qu’il n’y avait rien à dire. Tout à réfléchir.

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